Attentats à Bruxelles : « Des symptômes de stress post-traumatique peuvent être réactivés »

Le Monde.fr |  23.03.2016 à 07h48 |Propos recueillis par  Pascale Santi

Place de la Bourse à Bruxelles, où les gens on commencé à se recueillir et écrire à la craie sur le sol, des messages de solidarité envers les victimes, mardi 22 mars.

Quel impact peuvent avoir les attentats de Bruxelles sur les victimes de janvier 2015, à Paris, et novembre 2015, à Paris et Saint-Denis, dont certains vivent dans la crainte permanente de revivre de tels événements ? Le professeur Thierry Baubet, responsable de la cellule d’urgence médico-psychologique de Seine-Saint-Denis, hôpital Avicenne (AP-HP), et professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (université Paris-XIII et Inserm), explique comment un événement traumatique peut en raviver un autre.

 

Quelles répercussions peuvent avoir les attentats de Bruxelles du 22 mars sur les victimes des attentats du 13 novembre 2015 à Saint-Denis et Paris ?

Les attentats de Bruxelles ravivent les choses et peuvent les aggraver. Il faut faire la distinction entre les Parisiens qui ont été exposés aux attentats de novembre, ou endeuillés, chez qui les événements de Bruxelles peuvent réactiver les symptômes, et la population générale. Des victimes des attentats de novembre, et même des attentats de janvier 2015, m’ont appelé aujourd’hui, elles ont une impression de violent retour en arrière, une forte réactivation des émotions.

Les séquelles psychiques de tels événements, principalement l’état de stress post-traumatique (ESPT), peuvent être nombreuses. Le principal symptôme de l’ESPT consiste en la reviviscence de l’événement traumatisant, de certaines perceptions intervenues durant la scène traumatique. Cela peut être des flash-back, des sons (bruits, cris, rafales), des odeurs (de sang, de poudre)… une impression sensorielle qui revient sans cesse et qui provoque la même détresse qu’au moment de l’événement.

Ces personnes développent une stratégie d’évitement. Par exemple, elles ne prennent plus le métro, sont en état d’alerte permanente, etc. Ces symptômes peuvent entraîner des troubles du sommeil, des troubles cognitifs, de la mémoire par exemple, des troubles anxieux.

Vous dites que ces événements peuvent même faire apparaître un état de stress post-traumatique ?

Toutes les personnes touchées directement par des événements traumatiques ne développent pas forcément ce trouble, mais un événement similaire peut le faire apparaître. On a vu des personnes exposées directement aux attentats de janvier 2015 en France, à Charlie Hebdo ou à l’Hyper Cacher, qui n’ont pas développé par la suite de tels symptômes, mais chez qui ils sont apparus après les attentats de novembre 2015.

Ils n’avaient jamais consulté avant novembre, car ils n’exprimaient pas de plaintes. C’est ce qu’on appelle la décompensation de l’après-coup. Ils vont mettre à nu des blessures auxquelles ils arrivaient à faire face jusqu’à ce nouvel événement dramatique. Certains, qui tenaient bon, peuvent s’effondrer. Cela peut arriver avec ces nouveaux événements dramatiques.

N’y a-t-il pas souvent une confusion entre cet état de stress post-traumatique et un état d’angoisse ?

Oui, l’état de stress post-traumatique pour des personnes qui n’ont pas été directement exposées, ce n’est pas possible. Ce qui n’empêche pas que ces événements peuvent générer chez tout le monde des réactions anxieuses, ou dépressives, mais elles sont en général transitoires, ne durant pas plus de quelques jours ou quelques semaines. C’est très différent des troubles de stress post-traumatique, qui deviennent souvent chroniques.

Outre la douleur de l’événement, les répercussions des attentats de novembre peuvent être majeures : des conséquences sur la santé physique et mentale, mais aussi sur la vie sociale, professionnelle, affective des personnes, sans parler d’un risque développemental pour l’enfant ou l’adolescent.

Comment soigner, ou apaiser, ces troubles ?

Il y a un message important à faire passer, c’est qu’il n’est jamais trop tard pour aller consulter. Il est toujours temps. On a constaté que, plus on s’éloigne dans le temps, moins on ose aller demander de l’aide, alors que les troubles peuvent être graves.

Les personnes se disent « je ne suis pas mort », comme ces gens au Bataclan ou dans le métro à Bruxelles, « je n’ai pas le droit d’aller me plaindre ». Ils s’enferment dans une sorte de honte de souffrir, et ne consultent pas forcément.

Pour la population, il est important de favoriser l’expression, en famille. Ces drames qui s’abattent sur notre corps social peuvent générer des émotions négatives, de la tristesse, de l’angoisse, de la colère. On peut ressentir de l’impuissance, de la passivité. Pour en sortir, le fait de s’engager d’une manière ou d’une autre peut aidersoutenir, l’idée étant d’être acteur.

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